Dans le pas de l’éléphant

Dans le pas de l’éléphant

Kanchanaburi – Thaïlande

J’ai marché au pas des éléphants dans leur forêt et sans m’en rendre compte, quelque chose de profond en moi s’est ajusté à ce pas tranquille. Le pas de l’éléphant est stable et puissant. Il sait qu’il va à la rivière, où il adore se baigner pour rafraîchir sa peau éprouvée par le soleil tropical, il a une direction mais ne se précipite pas. L’animal s’arrête, cueille des feuillages ou des herbes qu’il porte à sa bouche, reste là un moment ou fait un pas de plus qu’il pose avec délicatesse sur la branche qui pousse là, pour la courber avant de s’appuyer dessus.

Je me suis trouvé là en train de vivre un pas conscient, comme la marche Zen. Avec le recul, je me rends compte que j’étais vraiment là, présent à l’instant, à goûter une sorte de « hors temps ». J’ai pris conscience de ce « hors temps » quand de retour il m’a fallu renouer avec le « faire ».

Faire et être, deux mots pour dire la vie extérieure, la vie intérieure et la cohérence à maintenir entre les deux.

Ralentir le pas !

Ne pas freiner, ne pas s’arrêter, juste ralentir pour être dans un présent conscient. S’arrêter risque l’impatience ou la rêverie, freiner risque de durcir le pas ou trébucher. Trouver le doux effort de ralentir pour rester là au présent.

Accompagner l’éléphant dans sa promenade m’a obligé à rester proche de moi-même. Et alors à ce moment là, seulement, l’animal vient vers moi. Merci pour la leçon.

Lorsque l’éléphant m’accueille,

je peux toucher sa trompe et découvrir sous sa peau dure, épaisse, une sensibilité extraordinairement vivante. Il est capable d’empathie et lorsqu’il pose délicatement le bout de sa trompe sur mon cœur, que nos haleines se mêlent, que le temps s’arrête, je le vois comme un être conscient qui me voit, regard immobile et cela me touche et cela me reste comme une complicité vivante, confiante, inoubliable. Auparavant je n’avais pas imaginé un cœur à cœur possible avec un éléphant.

Ganesha

Je comprends finalement que l’hindouisme ait conçu une divinité à tête d’éléphant, grande protectrice des humains. Il est un exemple de stabilité, de puissance, de constance, il a une grande capacité de résilience, de guérison. Il est complètement lui-même, comme le sont les animaux. Nous pouvons apprendre beaucoup auprès d’eux, comme des chats, dauphins, chevaux.

Prise de conscience, protection

Aujourd’hui les thaïlandais ont conscience que la richesse que représentent les éléphants sur leur territoire est menacée, leur population diminue. Après les avoir fait souffrir pour le cirque, le tourisme avec des nacelles métalliques qui leur blessent le dos, le transport de matières lourdes, ils prennent conscience que les éléphants ont besoin d’être protégés, qu’ils sont une richesse relationnelle. De plus en plus de centres refuges se créent pour les accueillir, les soigner. Le nouveau tourisme consiste à rencontrer l’animal dans son milieu naturel. C’est une belle expérience de toucher cette langue douce en lui portant une boulette de riz et banane, de se laisser aller à son pas dans sa forêt, de jouer avec la boue dont il aime se couvrir et d’aller se baigner avec lui à la rivière.

Pour info, deux refuges à Sayok / Kanchanaburi / Thaïlande :

https://elephantpark.com/

http://www.elephantshomeandnature.com/our-elephants

Quel rapport avec le Yoga ?

Présence consciente, lenteur, intériorité, observation, méditation, stabilité. Assurer un support stable à sa posture, lui donner une direction claire et mettre dans le mouvement une vraie qualité de lenteur, ne sont-elles pas les premières choses à mettre en place ? Pour rendre la posture vivante, trouver l’équilibre, la liberté et la profondeur du souffle. Alors je peux rencontrer en moi-même cet être sensible capable d’empathie.